Nicolas Schmit : "L’extrême droite, des patriotes de pacotille !"
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Nous recevons cette semaine Nicolas Schmit, commissaire européen à l'Emploi, aux Affaires sociales et à l'Insertion. Ce Luxembourgeois de 70 ans est la tête de liste commune du Parti socialiste européen (PSE) pour les élections européennes de juin 2024. À quelques jours du scrutin européen, il nous parle de la social-démocratie européenne et des défis qu’elle devra relever pour cette nouvelle législature, face à une extrême droite qui caracole en tête des sondages et vise à modifier les équilibres au Parlement européen.
Nicolas Schmit veut "se rapprocher des citoyens européens et de leurs attentes par rapport à l’Europe". Si cette "proximité" dans la course à l’Europe est "fondamentale" pour le Commissaire, il ne doit pas oublier la concurrence de la droite, menée par Ursula Von der Leyen, qui est donnée en tête des sondages. Mais pour Nicolas Schmit, impossible de prédire un résultat exact, et il dit "croire encore à une victoire possible" pour le PSE.
Quand l’extrême droite courtise la droite
Mais la social-démocratie est bien à la peine en Europe : les socialistes européens sont à la tête de quatre gouvernements seulement. "Les socialistes ont obtenu de bons résultats dans un certain nombre de pays", nuance-t-il. Mais bien souvent, "même s’il y a des socialistes au gouvernement, ils sont mis à l'écart par la droite libérale, qui fait des alliances avec l’extrême droite", s’inquiète-t-il. C’est le même mécanisme au Parlement européen, où l’extrême droite souhaite ardemment se rapprocher de la droite, à commencer par Viktor Orban : le Premier ministre hongrois plaide pour un rapprochement des souverainistes européens autour de Marine Le Pen et Giorgia Meloni.
La cheffe du gouvernement italienne est aussi courtisée par la droite plus traditionnelle d’Ursula Von der Leyen. Pour Nicolas Schmit, cette romance est une trahison de la "fiction qui a été inventée par le PPE et par madame Van der Leyen de ne faire des alliances qu’avec ceux qui sont pro-européens, pro-Ukraine, et pro-État de droit. En appelant à constituer un groupe commun, le populiste hongrois "Viktor Orban nous a rappelé que Giorgia Meloni et Marine Le Pen sont des souverainistes qui ne partagent pas la conception fondamentale de l'Europe de la démocratie chrétienne [...]. Être souverainiste, ce n’est pas s’engager pour le respect des droits des femmes, des minorités, de la liberté des médias."
Les deux visions pour l’Europe sont donc "totalement incompatibles", et une majorité pour soutenir un mandat Von der Leyen entre les socio-démocrates qu’il dirige et les troupes de Giorgia Meloni est une "option exclue".
Une gestion "problématique" d’Ursula von der Leyen
Nicolas Schmit critique vivement le bilan de la présidente sortante : "Les décisions au collège ne sont pas vraiment prises au collège." Il dénonce une gestion "problématique" des politiques majeures, et cite notamment les accords sur les migrants et sur un partenariat financier avec la Tunisie, qui n’ont, selon lui, "pas été décidés de manière collégiale". Les socialistes européens sont par ailleurs plutôt réticents à l’égard de ces accords d’externalisation prévus par le pacte migratoire récemment adopté par l'Union européenne. Le Commissaire s’inquiète du manque de "protection" et de "suivi des réfugiés" à qui on a refusé l’accès à l’Europe. Cette absence de prise en charge n’est pas "digne des valeurs européennes".
À propos de la Palestine, sujet qui a divisé les socialistes européens, Nicolas Schmit se prononce en faveur d’une reconnaissance de la Palestine. S’il condamne les "crimes impardonnables du 7 octobre et les otages toujours détenus par le Hamas", le Commissaire blâme la riposte du gouvernement d’extrême droite israélienne : "On apprend tous les jours de nouveaux bombardements de civils, de camps de réfugiés, les déplacements perpétuels de populations à Gaza." Pour lui, "l'UE doit lever la voix" contre un "gouvernement israélien qui ne respecte plus rien, ni les décisions internationales, ni d'ailleurs, le droit international et les droits des populations civiles". Il salue l'initiative de Pedro Sanchez et du gouvernement irlandais, "car la seule voix est de relancer une initiative de paix basée sur deux États".
Concernant le volet social, le Commissaire aux Affaires sociales souhaite défendre la santé comme "droit fondamental des citoyens de l’UE". La "notion de service public doit être au cœur du projet européen social-démocrate : il faut notamment veiller à ce que les salaires soient corrects", avec l’aide du salaire minimum européen qu’il a mis en place en tant que Commissaire, et "aider les personnes qui sont exclues du marché du travail à revenir sur le marché du travail".
Le RussiaGate montre le "vrai visage de l’extrême droite"
Quant à l’influence de la Russie sur la campagne européenne, Nicolas Schmit déplore des "interférences permanentes au niveau européen comme au niveau national". Selon lui, le "RussiaGate" et les perquisitions dans les bureaux d’assistants parlementaires de l’AfD, la droite radicale allemande, "montre le vrai visage de l'extrême droite, dont les candidats sont des patriotes de pacotille et des amis de Poutine et de la Chine de Xi".
"J'alerte les citoyens qui peuvent effectivement s'égarer de ce côté-là : leur vote est aussi un vote de soutien indirect à ces dictatures puisque, on le connaît, il y a des liens évidents entre l’extrême droite et Poutine", conclut-il.
Une émission préparée par Isabelle Romero, Elitsa Gadeva, Perrine Desplats et Anaïs Boucher